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Chers frères et sœurs,

Paix/silence/ attente...

Hier, le scandale du Christ condamné et mort sur le bois de la Croix nous a saisi jusqu’aux entrailles. Nos yeux avaient bien le droit de verser des larmes... et notre impuissance face au Crucifié n’a pu qu’ouvrir nos cœurs à une attitude de compassion profonde.

Aujourd'hui, avec Marie, nous poursuivons notre route en gardant confiance en Celui qui nous a promis la vie en abondance. Avec Marie, nous prenons aujourd’hui le temps de penser à cet amour de notre Seigneur Jésus qui est allé jusqu’au bout du don de lui-même, et nous le contemplons au tombeau. C'est un jour de grand silence sur la terre, un jour où toute parole semble inutile et vaine ; un jour où l'on aspire à la paix, au recueillement, à la méditation. Grand silence... Cet indescriptible silence nécessaire à toute gestation. Et aujourd’hui, il ne s’agit pas de n’importe quelle gestation : il est question de la gestation de l’homme nouveau pour une terre nouvelle. Silence du vieil homme qui meurt et du fils de Dieu qui renaît.

Dès le 1er siècle, la communauté chrétienne honorait la sépulture du Christ en passant le samedi dans le repos de l'attente... prière silencieuse et dans le jeûne. Aujourd'hui, jour de silence, il n’y a pas de messe, il n’y a pas de communion : nous vivons un jour de veille dans la foi. Nous avons peut-être l’impression d’être en face d’un grand vide, nous ressentons peut-être comme le Christ une forme d’abandon de la part de Dieu. Et pourtant c'est moins le vide de l'absence que nous traversons que celui de l'attente. Ce n'est plus le temps de la "Passion", mais le temps de la patience, de l'impatience. La "Passion" conduit à la croix, la patience se nourrit de la foi. En effet, nous savons que Jésus n'est pas resté dans le tombeau, qu'il est ressuscité, c'est pourquoi nous l'attendons d'un désir ardent.

Amour

Jésus est le vrai chemin qui nous conduit à la vraie vie. Et ce chemin n’est pas banal : il est chemin d’amour inconditionnel ! Il est chemin d’amour personnel. En se livrant par amour pour nous, Jésus a vraiment prit sur lui toutes les détresses humaines et ce faisant, il nous montre la route à suivre : on ne peut pas vivre sans amour ; sans amour, on n'est rien du tout.

Dans l'évangile, c'est bien ce qu'exprime l'allégorie du "Bon Pasteur" quand ce dernier conduit toutes ses brebis dehors et les appelle chacune par son nom. Le Bon Pasteur marche à leur tête, et elles le suivent, car elles reconnaissent sa voix. Le Bon Pasteur ouvre la voix de l’Amour... Il nous appartient à présent de mettre nos pas dans les siens et de poursuivre son œuvre de bonté et de miséricorde sur la terre des vivants.

Dans la Passion, nous pouvons reconnaître cette voix silencieuse de l'amour. Mais il est important de toujours nous souvenir, qu’au cœur même de la Croix, ce n’est pas la souffrance qui nous sauve ou nous guérit de nos blessures, mais c’est l’Amour ! Seul l’Amour est digne de foi... C’est l’Amour du Christ qui nous sauve, qui nous libère et nous ouvre l’espace de la Vie en plénitude.

Descente

« Chaque jour, nous mourons et nous mourons seul » (Pascal). Apparemment, chacun meurt seul, car il meurt lui-même. Dieu, nous donne en Jésus Christ de mourir dans la plus intime des communions, celle d’un unique mourir à deux. « Si nous mourons avec lui, ensemble nous vivrons » Ga 2,20 .

Il est descendu Lui en ce très bas, aux enfers comme dit le Credo, au creux de nos ombres et de nos solitudes. Il nous a rejoint et vient nous apporter la « bonne nouvelle » de la délivrance grâce à son sacrifice. Laissons-nous rejoindre par lui et confiant en sa miséricorde, osons lui lancer un cri avec la même audace que celle du "bon larron" : « Jésus, souviens-toi de nous quand tu seras dans ton royaume ».

Les lectures de la Passion s'achèvent sur l'ensevelissement du corps de Jésus. Joseph d'Arimathie et Nicodème, avec la permission de Pilate, descendent le corps de Jésus de la Croix. Ils l'enveloppent d'un linceul puis le déposent dans un tombeau nouvellement creusé. Tombeau qui va abriter une nouveauté sans précédent.

Les femmes

Le Samedi Saint est un jour féminin. Selon les synoptiques et d’une certaine manière Saint Jean, les femmes qui ont suivi Jésus depuis la Galilée, affrontent courageusement cette immense épreuve de la Passion, le cœur brisé, incapables d’exprimer, autrement que par leur présence, leur foi en Jésus. Elles sont toutes là, entourant la mère de Jésus.

Comment ne pas évoquer ici l’image de la Pieta de Michel Ange ? Comment ne pas être saisi de compassion devant la « Mater dolorosa », porteuse à nouveau du corps de son enfant ; son fils lui est rendu, l’espace d’un moment ; une fois encore il lui est donné de faire corps avec lui. A l’heure de la mort, comme à celle de la naissance elle dit « oui », dans la foi la plus totale.

C’est un accompagnement silencieux. Après la descente de la croix et au moment de la mise au tombeau, les femmes sont présentes, en ayant pris soin de bien repérer l’emplacement du tombeau et en veillant à la disposition du corps de Jésus à l’intérieur du tombeau. Puis, elles s'en retournèrent préparer les aromates et le parfum qui servirait à embaumer le corps, et durant le sabbat elles observèrent le repos prescrit ». Notre Dame elle, se reposait dans la maison où Jean l’avait recueillie, broyée dans sa souffrance maternelle, mais paisible en la certitude de sa foi.

Humilité


Ce jour peut aussi être vécu comme un « décapage », une purification toujours nécessaire de notre foi et de notre espérance. Contre toute espérance même pour ceux qui n'ont pas crû à l'amour. Aucun homme jamais, n'atteindra ce fond de l'abîme où Christ s'est plongé par amour pour nous. Depuis que Jésus a donné sa vie pour nous, c’est un appel à l’espérance qu’il nous fait pour nous-mêmes et pour tout homme, même le plus englouti dans les profondeurs des ténèbres du péché.

Pour cela, il nous faut réapprendre à marcher sur le chemin choisi pour lui, pour chacun de nous. On entre dans ce chemin avec humilité et douceur, avec pauvreté et simplicité de cœur. On est invité à s’abandonner à un Autre en toute docilité, à Lui faire confiance, à croire que son Amour est plus fort que la mort. Et, se sachant ainsi aimé, pardonné et sauvé par Celui qui s’est livré pour nous, nous n’avons plus besoin d’avoir peur et nous pouvons crier vers le Seigneur avec les paroles des psaumes : "des profondeurs je crie vers toi Seigneur et tu m'as exaucé". Nous pouvons nous adresser au Seigneur avec nos propres paroles qui jaillissent des profondeurs de notre être.

Baptême

Avant la « grande nuit » comme nous l'avons chanté à l’office " silence du tombeau". Les prières d'aujourd'hui évoquent notre participation au mystère du tombeau. « Enseveli avec Lui dans le baptême », la tradition est unanime pour présenter ainsi l'immersion baptismale.

Le Samedi Saint est aussi un jour particulier pour les catéchumènes que nous portons dans notre prière. C’est leur dernier jour de "préparation" avant d’accepter de dire « oui » à l’amour de Dieu, avant de recevoir le baptême et de s’engager à marcher à la suite du Christ. Pour nous qui sommes déjà baptisés, nous voici appelés à renouveler notre configuration au Christ, à renouveler dans la nuit de la Résurrection nos engagements de baptisés.

Au 7ème siècle à Rome, les "élus" étaient réunis à l'heure de tierce pour la dernière étape de leur préparation : "l'examen final". Credo et Pater devaient être récités par cœur. C'est pourquoi, cette journée peut être pour nous aussi l’occasion de nous enraciner toujours davantage dans la foi.

A la veille de la Résurrection, nous savons que notre combat contre le mal se poursuivra très certainement mais nous savons aussi que le Christ sera à nos côtés et le mènera avec nous. Nous ne sommes plus seuls. Paul Claudel disait : « Le Christ n’est pas venu résoudre l’énigme de la souffrance, mais la remplir de sa présence ».

Au jour du baptême, nous avons reçu l'onction d'huile sainte qui signifiait la force que le Christ nous prodigue aux jours de faiblesse. Fort de cet acquis, n'ayons pas peur de lui demander de renouveler nos forces pour poursuivre notre route avec lui, dans ce « martyre d’espérance » ainsi nommé par C. de Chergé.

Espérance

Ainsi le disait Christian cette nuit : Il me semble que nous recevons là, aujourd’hui, comme un surcroît d’appel pour ce martyre d’espérance qui nous est destiné. Oh ! Il n’est ni glorieux, ni brillant, il s’ajuste exactement à toutes les dimensions de notre quotidien. Il définit depuis toujours l’état monastique : c’est le pas à pas, le goutte à goutte, le mot à mot, le coude à coude… c’est cela qu’il nous faut recommencer chaque matin, encore dans la nuit, c’est cela qu’il faut continuer de ruminer, de corriger, de discerner, d’attendre surtout. Voilà le chemin par où il nous précède, « de commencement en commencement, par des commencements qui n’ont pas de fin ». Gr. De Nysse.

La journée s'avance, on se sent déjà tout proche de la grande nuit de Pâque et cette nuit sera lumière. "Le grain de blé caché dans le sillon germe déjà ».

Frère Michel, maître des novices