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Chers frères et sœurs,

Chaque étape des solennités pascales nous donne de vivre une tonalité différente de notre foi chrétienne, de découvrir un trait nouveau du Visage de Celui qui ne cesse de nous en-visager : Christ mort et Ressuscité.

Hier en effet, dans le Mystère Sacramentel de la CENE célébrée de façon solennelle le Jeudi Saint, nous avons eu la grâce de nous livrer sans réserve à Celui qui nous a aimé jusqu'au bout.

Après la messe de la Sainte CENE, sachant que Jésus allait nous quitter, avec les disciples, nous avons ressenti la tristesse. Et lui, tout en sachant que son "heure" était venue, nous a réconfortés par sa Parole et par sa présence au milieu de nous dans la Sainte Réserve. Nous avons veillé et prié avec lui. Et cette nuit nous avons prolongé cette veille. La liturgie de Vigiles plus longue nous a fait entrer dans l'intensité de ce Vendredi Saint : la célébration de la Passion de Jésus Christ, notre Sauveur et notre Rédempteur.

Vous avez sans doute remarqué que cette intensité se prolonge à chaque office.

A chaque "petite heure", il y a une introduction, puis on lit une séquence de la Passion. L'oraison est propre, le but, c'est de nous garder vigilant jusqu'à 16 heure, heure du drame.

Aujourd'hui, nous montons au sommet de la vie du Christ, et toutes nos paroles sont pauvres en regard de ses actes. Le chemin parcouru par le Christ ne peut que nous conduire à la compassion.

Hier, pour entrer intensément dans le temps Pascal, nous disions qu'il nous faut un "cœur de feu" ; aujourd'hui, la compassion ne pourra naître en nous que si notre "cœur de pierre" devient un "cœur de chair", c'est à dire doux et humble à l'exemple de Notre Seigneur qui nous a dit : "mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur".

Aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à toutes les croix qui sont portées à travers le monde. A toutes les croix portées dans le bruit terrifiant de la haine, du mépris, du mensonge, de la violence... qui secouent notre planète. A toutes les croix portées dans le silence de l’humiliation, de l’indignation, de l’abus, du harcèlement... qui touchent encore tant d’hommes et de femmes, d’enfants et de vieillards, à travers le monde entier.

Le jeûne sacré que nous observons aujourd'hui est important, il va orienter notre journée, lui donner un sens, un orient... Le manque éprouvé dans notre chair n’a de sens que s’il creuse en nous creuser le désir spirituel, la soif du partage, le goût de l’amour donné gratuitement, de façon inconditionnelle. Il est un moyen pour chacun de nous, de nous unir profondément à Jésus et de vivre un chemin d'alliance avec Dieu.

Le but du jeûne est de nous alléger pour nous élever et nous libérer. C'est une Pâque, un passage pour croire et aimer davantage. Et c'est dans la joie de l'Esprit Saint que nous offrons ces petites privations.

La couleur rouge des vêtements liturgiques nous rappellent le martyre ; l'autel dépouillé signifie le Christ totalement donné au "Calvaire". Le Vendredi Saint nous plonge dans le souvenir de la mort douloureuse de Jésus et nous goûtons l'amertume tout en gardant fermement la certitude de la Résurrection dont l'oblation d'hier soir était la garantie. C'est justement l'hostie consacrée le Jeudi Saint qui va être donnée en communion ce soir.

La Passion doit être célébrée à la 9ème heure, heure de la mort du Christ en croix (c'est à dire 15 heure), elle comporte trois parties.

1) Les lectures, spécialement celle de Saint Jean, la psalmodie et la prière universelle.

2) L'adoration de la Croix.

3) La communion.

Conscient de nos fragilités, il est important de nous préparer à vivre ce grand moment de la Passion de Notre Seigneur.

Le Christ, réellement présent dans le pain et le vin, l'est aussi dans sa Parole. C'est la Passion selon St Jean qui est lue chaque Vendredi Saint : elle souligne la parfaite liberté de Jésus, maître des évènements. Ce grand moment nous donne la certitude du salut, heure du passage, du grand passage, de ce monde au Père, passage qui réussit ; l'heure où le Fils attirant tout à lui, va être glorifié.

Ce jour-là, la prière universelle est plus personnalisée et plus solennisée : elle comporte dix intentions. C’est une manière de signifier l'universalité de la prière.

Jamais douleur humaine n'était montée aussi haut. La vénération solennelle de la Sainte Croix à laquelle tous participent est un moment intense où seule l'attitude de ferveur respectueuse convient.

Hier le Seigneur a lavé les pieds de ses amis. Aujourd’hui, chacun de nous va lui rendre hommage en lui baisant les pieds.

La célébration du Vendredi Saint n'est pas une messe. On y communie avec les hosties consacrées la veille, pour marquer le lien très fort entre le dernier repas et la mort de Jésus. Cependant, du point de vue spirituel, même si la communion du Seigneur ne fait qu'une avec celle du Jeudi Saint, elle a sa signification propre. L'Eglise fête la Rédemption du monde par le sacrifice sanglant du Calvaire.

L'Eglise souhaite que ses fidèles passent cette journée du Vendredi Saint dans le jeûne, le recueillement et la prière. Méditant sur le souvenir de la coupe d'amertume que Jésus a voulu boire pour nous jusqu'à la lie, cela ne peut que l'émouvoir de compassion.

En ce jour, le Fils de l'Homme a été livré aux mains des hommes, ils l'ont crucifié et l'ont tué. (Mt. 17,22).

Le crucifiement est un supplice atroce, on y meurt lentement de pure souffrance, souffrances physiques, mais aussi morales, à la vue de la méchanceté des hommes.

On peut imaginer aussi la souffrance de Jésus voyant Marie sa mère debout près de la croix ; Marie qui connaît la plus grande brisure de sa vie : la mort de son fils.

Q'un fils soit présent à l'agonie de sa mère, c'est dur, mais c'est « normal ». Mais qu'une mère soit présente auprès de son fils qui agonise ce n'est pas normal. C'est encore plus violent. Marie à la croix meurt dans son cœur de mère.

Pourtant si elle se tient debout, c'est qu'au delà de l'humanité de Jésus, elle découvre le Verbe qui est dans le sein du Père. Elle découvre donc que tout demeure dans l'amour, et elle contemple la victoire de l'amour. Et c'est cette victoire de l'amour qui lui permet de rester debout près de la croix et de vivre ce mystère uni à son fils.

Si on regarde le mystère de la croix de l'extérieur : il est intolérable. Mais si on le regarde de l'intérieur, on peut y découvrir que la croix est la victoire de l'amour sur la mort.

La souffrance de Marie est aussi la nôtre : elle nous rejoint dans notre sensibilité ; elle nous touche et nous ouvre à la compassion.

En ces jours saints, les disciples que nous sommes, nous voulons suivre et être avec le Christ, être avec lui sur la croix, tout en gardant fermement l'espérance de la Résurrection dont l'oblation d'hier était la garantie.

Donc, le Vendredi Saint nous fait proclamer que la Rédemption s'est accomplie dans la souffrance et la mort et chaque fois que nous mangeons ce pain et nous buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne.

En proclamant notre "amen" et communiant à cette vérité de notre foi que le Christ est mort pour détruire notre mort, nous nous engageons à mourir avec lui pour vivre avec lui. D'avance nous unissons notre dernier soupir à celui de Jésus, qui seul a le pouvoir de nous introduire au Père. Le repas du Seigneur est le repas de la divine communion.

Cependant, cette gravité est dominée par la certitude de la victoire divine : demain dans la nuit de la Résurrection, l'Eglise fêtera la victoire de la vie sur la mort.

Finalement, même si le Vendredi Saint est profondément triste, nous pouvons découvrir au cœur de cette douloureuse Passion, que Quelqu’un est venu pour nous sauver. Et c’est une véritable source de bonheur pour ceux qui croient. C'est le paradoxe divin de la joie par la croix.

C'est ce que nous chanterons à la fin de la célébration : Par la Croix la joie est entrée dans le monde.

Frère Michel, maître des novices