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Aujourd’hui, chers frères et sœurs, tout bascule dans notre monde. C’est le commencement absolu. La mort n’a plus d’emprise. Les chars, les chevaux et les cavaliers de la mort sont engloutis dans la mer. Le peuple des baptisés se tient debout, sur la rive de la terre nouvelle et des cieux nouveaux. Il chante l’alléluia de la victoire. Louange à Dieu, car il a fait des merveilles ! Christ est ressuscité ! La pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ! Christ est vraiment ressuscité ! C’est par lui, le Premier-né d’entre les morts. que tout bascule. Les aveugles voient, les sourds entendent, les boîteux marchent, et la bonne nouvelle est annoncée : Il était mort, il est vivant ! Nous étions morts à cause de nos péchés, mais Jésus les a pris sur lui et les a cloués à la Croix, une fois pour toutes. En mourant il a détruit la mort. En ressuscitant, il nous a rendu la vie ! Alléluia, alléluia !

Tout commence aujourd’hui. Tout commence pour Marie-Madeleine qui voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Tout commence pour Simon-Pierre et l’autre disciple qui découvrent le tombeau vide, pour Paul aussi qui n’a pas peur de dire aux chrétiens de Colosses : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. Tout commence pour nos premiers parents, Adam et Eve : Christ est descendu aux enfers pour les en retirer avec toute leur descendance. Il a brisé les verrous de la mort, et il a pris par la main tous ceux qui l’attendaient pour les faire passer du côté où l’astre du matin ne connaît pas de couchant, du côté où la liberté n’a plus de chaînes, où la joie n’a plus d’ombre, où l’amour est toujours fidèle.

Tout commence. C’est ce que les moines ne cessent pas de se dire et de se transmettre, de génération en génération. Aujourd’hui, je commence, parce que tout commence pour moi. Eh quoi ! Que veux-tu dire ? Tout commence parce que je ne veux rien préférer à Jésus-Christ, le vivant, le premier-né d’entre les morts, mon Seigneur et mon Dieu. Tout commence, même si j’ai 90 ans…Cette année, 4 frères de notre communauté arrivent à 90 ans ! Eh bien, ils continuent à se développer, c’est-à-dire à perdre les enveloppes du vieil homme pour qu’apparaisse l’homme nouveau qu’ils sont dans le Christ. Et cela vaut pour chacun de nous ! Tout commence, même si je suis en panne, en plein tunnel avec des interrogations qui me taraudent sur le sens de ma vie : qu’est-ce que je fais dans cette galère ? qu’est-ce que je fais dans ce boulot ? qu’est-ce que je fais dans cette famille, dans cette communauté, dans cette Eglise en perte de vitesse ? Il arrive qu’on porte en soi des interrogations si lourdes. Même saint Bernard, quand il était novice à Cîteaux, se disait : qu’est-ce que je suis venu faire ici ? Bernarde, ad quid venisti ?

Au début de l’année, avec quelques jeunes frères, nous avons commencé la lecture d’un livre que je ne saurais trop vous recommander : La joie en Dieu. L’auteur est un moine de notre Ordre, Dom Marie-Gérard Dubois, qui fut pendant presque 30 ans supérieur puis abbé du monastère de La Trappe en Normandie. Le premier chapitre donne le ton. Il porte un titre évocateur : De commencement en commencement…ses sous-titres qui ne le sont pas moins : La sainteté est de commencer, Partir aujourd’hui et ne pas s’arrêter, Le courage des recommencements, Il n’est jamais trop tard pour commencer, La fidélité est relative à l’avenir. Mais surtout il y a, tout au long de ce chapitre, quelques versets de saint Paul qui reviennent comme un ostinato convaincant : Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus.

Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant…Il est là le miracle de la résurrection chez l’apôtre saint Paul, la preuve que Jésus ressuscité l’a saisi pour de bon. Il ne s’appuie plus sur ce qui pouvait le faire valoir dans la bonne société pharisienne de l’époque. Au contraire, cela le gêne dans sa course vers le Christ. Et c’est pareil pour Pierre : non seulement, il n’a plus peur de se reconnaître disciple de Jésus, mais il prend les devants pour le dire à haute voix avec les Apôtres : nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice. Et voici que Dieu l’a ressuscité le troisième jour.

Hommes nouveaux que voilà. Hommes et femmes entièrement renouvelés par le Christ ressuscité. Heureux catéchumènes baptisés cette nuit ! Heureuse Eglise où s’accomplit de générations en générations le miracle du commencement absolu : Christ est ressuscité ! Chaque eucharistie nous branche sur lui, et nous envoie annoncer la nouvelle qui change tout dans nos vies. Il n’est pas nécessaire pour ça d’être un grand prédicateur. Les anciens moines disaient : Celui qui maîtrise sa colère est plus grand que celui qui ressuscite les morts ! A leur suite, on peut dire : Celui qui ne cherche pas son propre intérêt mais celui des autres est plus grand que celui qui ressuscite les morts ! Celui qui ne craint pas de proclamer sa foi en Jésus-Christ, au risque de tout perdre comme l’apôtre Paul, est plus grand que celui qui ressuscite les morts !

Chers frères et sœurs, n’ayez pas peur d’être des témoins de la résurrection. Aujourd’hui, demain, et jusqu’en la vie éternelle ! Amen, alléluia !

Frère Olivier, abbé de Cîteaux