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Chers frères et sœurs,

Ne trouvez-vous pas que les lectures que nous venons d’entendre sont un peu étranges pour célébrer une profession solennelle ? On a envie de demander à Frère Laurent pourquoi il a choisi ces lectures-là. On y parle de l’eau, de l’huile, des pierres, qu’est-ce que cela vient faire avec les vœux de stabilité, de conversion de vie et d’obéissance qu’il va prononcer tout à l’heure ?
Frère Laurent ne m’a pas dit les raisons de son choix, mais il m’a dit ce qu’il a fait pour arriver à ce choix-là. Il a consulté le rituel pour la profession religieuse et, parmi bien d’autres propositions, il a choisi l’évangile que nous venons d’entendre, cette parabole un peu rocambolesque où l’huile éclaire la veille indispensable à la rencontre de l’époux. Il a aussi consulté le rituel pour la dédicace d’une église, et il a retenu les deux lectures que nous avons entendues : le passage du livre d’Ezéchiel où le prophète voit, sous le seuil du Temple, de l’eau qui jaillit en direction de l’orient, et cet extrait de la première lettre de saint Pierre où l’apôtre nous incite à être des pierres vivantes pour construire le Temple de Dieu.
Cher Frère Laurent, nous voyons bien que ton choix de lectures n’est pas arbitraire, et je voudrais te féliciter car elles conviennent parfaitement pour une profession solennelle. Mieux encore, il me semble qu’elles conviennent parfaitement aussi pour nous rappeler à tous notre profession chrétienne, car l’eau, l’huile, et la pierre sont des créatures qui ont un rapport étroit avec la vie chrétienne. Aucun de nous, s’il est baptisé, ne peut oublier que c’est avec de l’eau sanctifiée par la parole du ministre qu’il a été plongé dans la mort et la résurrection du Seigneur pour devenir une créature nouvelle et appartenir au peuple choisi, à la nation sainte chargée d’annoncer les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.
Aucun de nous, s’il est confirmé, ne peut oublier que c’est avec de l’huile consacrée par l’évêque qu’il a reçu l’onction sainte, la marque du sacerdoce royal qui fait de nous les compagnons de l’époux, - n’ayons pas peur de le dire ! – les consorts du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs pour briller dans ce monde comme des enfants de lumière.
Aucun de nous, s’il est rené d’eau et d’Esprit Saint, ne peut oublier qu’il est de son devoir d’être un constructeur de l’Eglise, un bâtisseur du Corps de Christ, une pierre vivante enchâssée dans le Temple du Dieu vivant. Nous connaissons bien cette parole de Jésus : « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise ». En écho, nous pouvons dire : Tu es Odile, tu es François, tu es Stéphane, tu es Mireille, tu es Laurent, et avec ces pierres je bâtirai mon Eglise. Chacun de nous aujourd’hui peut s’entendre dire cela : « avec la pierre que tu es, je veux bâtir mon Eglise, je veux qu’elle tienne cette Eglise, je veux qu’elle soit pour l’humanité tout entière le signe de mon amour inébranlable ».
Nos églises de pierres, que sont-elles donc sinon des édifices où les enfants de Dieu se rassemblent, louent le Seigneur et intercèdent pour le salut du monde ? Ce sont des maisons de prière et, comme dit notre Père saint Benoît dans la Règle, on n’y fera rien qui soit étranger à la prière. C’est pourquoi les rites de la consécration ou de la dédicace d’une église ressemblent étroitement à ceux de l’initiation chrétienne : avec de l’eau, l’évêque asperge les murs, l’autel, l’ambon ; on pourrait dire qu’il baptise l’édifice pour qu’il ne soit plus seulement un simple lieu de rencontre, mais un temple voué au culte du Seigneur de Pâques…comme tout baptisé n’est plus un homme quelconque mais un enfant de Pâques, un fils de la résurrection promis à la vie éternelle. Après l’aspersion, l’évêque procède à la chrismation. Avec l’huile parfumée qu’on appelle le saint chrême, il trace une onction sainte sur chacune des douze croix murales et oint la totalité de la table d’autel, ce qui, à l’évidence nous rappelle l’onction royale de notre confirmation. Ce lieu est saint, mes frères, c’est la maison de Dieu et la porte du ciel. Ce lieu est redoutable, parce que notre vocation à tous, moines ou prêtres, laïcs ou religieux, célibataires ou mariés, c’est la sainteté. Soyez saints, dit le Seigneur, parce que moi, je suis saint.
Dans l’unique Eglise du Christ, multiples sont les chemins de sainteté. Cher Frère Laurent, tu as trouvé le tien : Cîteaux, où Notre-Dame t’accueille dans ces murs qui lui sont dédiés.
Aujourd’hui, dans ce lieu saint, par ton vœu de stabilité, tu enchâsses la pierre de ta vie, ton caillou blanc, dans les murs de pierres vivantes de notre communauté ! Que la paix règne dans nos murs, le bonheur dans les palais des pauvres du Christ !
Aujourd’hui, dans ce lieu saint, par ton vœu de conversion de vie, tu laisses jaillir de ton cœur des fleuves d’eau vive. La cité de Dieu en est toute joyeuse : ton papa que le Seigneur a rappelé récemment, les anges, les saints, et nous tous qui sommes en marche vers la cité du ciel ! Tous, nous pouvons boire à ton offrande et au don de ta vie. Merci, cher Frère Laurent !Aujourd’hui, dans ce lieu saint, par ton vœu d’obéissance jusqu’à la mort, tu verses de l’huile dans la lampe de l’Eglise pour que la clarté du Christ brille sur son visage et qu’elle annonce l’évangile à toutes les créatures ! Voici l’époux qui vient ! Sortons à sa rencontre !

Frère Olivier, abbé de Cîteaux