Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques

Tout au long de notre cheminement pascal, l’Apôtre et Evangéliste St Jean nous a ramenés inlassablement à l’Heure de Jésus, cette Heure qui semble ne jamais passer, mais demeurer toujours actuelle. Long discours de Jésus qui s’achève dans la prière, une prière qui ne passe pas, car « Christ est toujours vivant pour intercéder pour nous ». Impression de présence éternelle qui nous atteint. La liturgie est faite pour cela. Elle nous imprègne de la Présence du Ressuscité ; elle nous la communique ; elle nous en nourrit et Il devient en nous le Vivant qui donne la Vie.
Un point précis va retenir notre attention, dans cette prière : c’est le rapport au monde de Jésus et de ses disciples : « Ils ne sont pas du monde comme je ne suis pas du monde » déclare Jésus à deux reprises. Et, plus loin, s’adressant toujours à son Père : « De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. »
’Envoyé dans le monde sans être du monde’ : qu’est-ce que cela veut dire et quelles sont les implications ? Pour répondre à cette question, je vous propose de prendre l’éclairage de la Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes). Un texte d’une clarté et d’une force prophétiques, promulgué par Paul VI le 7 décembre 1965 au terme d’un laborieux et douloureux travail d’enfantement sous la poussée de l’Esprit Saint. Que dit-elle ?
« Le monde est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses victoires ; fondé et conservé par l’amour du Créateur ; tombé sous l’esclavage du péché ; relevé, délivré, libéré par la Croix et la Résurrection du Christ pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement. » (GS 22, 2) Ainsi, quand St Jean nous parle du monde, il faut entendre l’homme dans sa totalité et dans son unité ; le genre humain qu’il faut sauver, la société humaine qu’il faut renouveler.
« Le mystère de l’homme, poursuit GS, ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné : image du Dieu invisible, Il est l’Homme parfait qui a restauré dans la descendance d’Adam la ressemblance divine, altérée dès le premier péché. Parce qu’en LUI, la nature humaine a été assumée, cette nature a été élevée en nous aussi à une dignité sans égale ».
« Cette restauration de l’homme réalisée par et dans le Christ, ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est véritablement divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal ».
Comment alors mettre à la disposition du genre humain la puissance salvatrice du Christ dont l’Eglise est le dépositaire ? Et quel doit être le rapport de l’Eglise au monde ?
« L’Eglise a pour vocation de former … la famille des enfants de Dieu, qui dit croître sans cesse jusqu’à la venue du Seigneur. Elle fait route avec l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu. » (GS 40)
Si le monde occidental se paganise peu à peu, s’il semble perdre ses racines chrétiennes, il ne faut pas dramatiser pour autant la situation : reconnaissons que les résurgences du paganisme sont de toutes les époques et qu’il n’y a ‘rien de nouveau sous le soleil’. La nature humaine, blessée par le péché s’incline toujours dangereusement vers trois gouffres :
+ une avidité pour les richesses et la fausse sécurité qu’elles apportent
+ une avidité pour le pouvoir et la vaine gloire qu’il donne
+ une avidité pour des comportements sexuels désordonnés et la jouissance éphémère qu’ils procurent.
Face à cela, les chrétiens veulent mener une vie conforme à l’Evangile. Ils cherchent à former leur conscience pour discerner en toutes choses où est le bien et où est le mal, ce qui plaît au Seigneur et ce qui lui déplaît, et ils alertent courageusement leurs contemporains lorsque les droits de l’homme sont bafoués ou lorsque la dignité de l’homme est en danger dans les mœurs de leurs contemporains.
Bien des associations de fidèles permettent aux chrétiens qui vivent dans le monde de se soutenir mutuellement dans la vérité de l’Evangile et de se mobiliser pour des causes justes comme celles de la sauvegarde de la famille et du respect de la vie du commencement jusqu’à la fin. Parmi elles, notons comme un exemple parmi tant d’autres, la « Communion Notre Dame d’Alliance » qui rassemble en son sein des hommes et des femmes qui veulent rester fidèles au sacrement de leur mariage après le départ ou l’abandon de leur conjoint, rendant témoignage à l’amour indéfectible et au mariage indissoluble face à la légalisation et banalisation du divorce à l’amiable.
Bien d’autres points pourraient être relevés, mais le temps nous manque. Terminons en citant la conclusion de GS : « La volonté du Père, c’est qu’en tout homme nous reconnaissions le Christ notre frère et que nous aimions chacun pour de bon, en action et en parole, rendant ainsi témoignage à la Vérité. C’est de cette manière que les hommes seront provoqués à une ferme espérance, don de l’Esprit, afin d’être admis dans la paix et le bonheur de la Patrie qui resplendit de la gloire du Seigneur. »

Frère Bernard, moine de Cîteaux


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