Homélie pour le 32ème dimanche

« Celles qui étaient prêtes entrèrent avec l’époux dans la salle de noces, et l’on ferma la porte. Plus tard les autres jeunes filles arrivent à leur tour et disent : »Seigneur, Seigneur ouvre-nous ! Il leur répondit : » Amen, je vous le dis, je ne vous connais pas. »Drôle de noces ! qui viennent de nous être contées là… chers frères et sœurs ; et drôle d’époux sans épouse, qui enferme les convives dans la salle du banquet et se transforme en portier inquisiteur : malheur à ceux qui vont être en retard ! alors que lui-même a tellement tardé qu’il a provoqué l’assoupissement de ses demoiselles d’honneur.
Invraisemblable histoire surtout quand on sait qu’en Orient, ce genre d’événement se passe au grand air : les amis peuvent aller et venir comme ils l’entendent présenter leur compliment aux nouveaux époux, leur offrir un petit cadeau et tout se passe librement dans une aimable et joyeuse pagaille. Personne n’est en avance, personne n’est en retard, et l’époux tout à l’opposé d’une attitude de policier embusqué, se fait courtois à l’égard de tous. Evidemment.
L’évangéliste Matthieu était pourtant bien le premier à connaître les mœurs du pays en ces circonstances. Que nous dit-il donc à travers cette histoire des vierges invitées à des noces.
Eh bien en réalité, St Matthieu nous parle ici de tout autre chose que d’une histoire de noces villageoises.
De quoi nous parle-t-il donc ?
Replaçons ce récit dans son contexte pour le savoir.
Cette histoire des vierges sages et des vierges folles s’inscrit dans un grand discours composé d’annonces prophétiques et de paraboles appelé discours eschatologique dont le message central est un appel à la vigilance dans l’attente d’un événement mystérieux et inéluctable qui se prépare, et que Jésus appelle le « Royaume ». Ce discours est le dernier enseignement du Christ avant sa Passion, placé là comme une sorte de solennelle introduction à sa dernière et ineffable Parole. Quelque chose s’approche qui surpasse toute description possible et que la parabole essaie de dire. « Il en sera du Royaume des Cieux comme de dix jeunes filles…invitées à des noces »
Dans cette parabole St Matthieu nous dit deux choses essentielles : d’une part, Dieu vient aimer son peuple, tel un jeune marié, et d’autre part il nous avertit avec gravité de l’importance de mettre notre vie en conformité avec cette venue du Bien-Aimé.Dieu vient aimer son peuple tel un jeune marié nous dit St Mathieu. S’il prend cette image du jeune marié c’est qu’avant lui les prophètes, depuis Osée, avaient vu Dieu ainsi.
« Je te fiancerai à moi dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et dans l’amour, je te fiancerai à moi dans la fidélité…. » lit-on au chapitre 2 du prophète Osée
De même en Jérémie le Seigneur s’exprime ainsi « Je me rappelle l’affection de ta jeunesse, l’amour de tes fiançailles. Tu me suivais au désert.»
La même passion s’exprime chez Ezéchiel et c’est en Isaïe au Livre de la Consolation qu’ont trouve les accents les plus bouleversants de cet amour de Dieu envers Israël. « Ton époux, c’est ton créateur. Répudie-t-on la femme de sa jeunesse ?. Un court instant je t’avais délaissé mais dans un amour éternel je te rappelle »
Avec les prophètes Dieu révèle que l’Alliance considéré comme un pacte social ne lui suffit plus.
Si telles étaient les prophéties qui habitaient l’attente du peuple saint, l’Evénement que Jésus dévoile n’est pas autre chose que l’accomplissement des prophéties : l’Alliance définitivement scellée. En la personne de son Fils bien-aimé, Dieu, vient s’unir « une fois pour toute » à l’humanité afin qu’elle soit « son peuple » et Lui « son Dieu ».
Ce sont ces Noces divino-humaines, consommées dans la Pâque de Jésus en la Nuit bienheureuse que l’Evangéliste annonce dans cette parabole : «Voici l’époux !.. »
2)voici l’époux, sortez à sa rencontre ! »
« Sortez à sa rencontre ! »
C’est là le second message de la parabole
Veiller, aller à sa rencontre, la grande chose du chrétien !
En quoi consiste-t-elle précisément cette veille ? St Matthieu nous le dit souvent à travers paraboles et exhortations. Le veilleur ce n’est pas celui qui dit « Seigneur, Seigneur »… c’est celui qui écoute la parole et la met en pratique, c’est l’homme sage, l’artisan avisé qui a construit sa maison sur le roc, c’est le serviteur établi sur les gens de la maison qui attend son maître dans la constance et la fidélité. Le veilleur pour St Matthieu, il est comme la femme forte et active des Proverbes dont la lampe ne s’éteint pas de la nuit. Il est celui qui fait la volonté du Père. Cette volonté du Père que l’évangéliste explicite solennellement quelques lignes plus loin au terme de ce grand discours dans la scène du jugement : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais nu, en prison, et vous êtes venus me voir…. »
« Veiller », donc, dans l’attente de Jésus, aller à sa rencontre, c’est essentiellement et tout simplement être un veilleur-qui-fait-le-bien comme le veut le Père. C’est, si l’on peut ainsi jouer sur les mots, être un bien-veillant. Il n’y a pas d’autre manière de bien veiller pour le disciple que d’être bienveillant. … d’une bienveillance effective qui refuse de s’endormir sur toute négligence de l’amour.Chers frères et soeurs et demandons les uns pour les autres, la grâce de devenir de ces bienveillants inconditionnels, aux lampes éclairantes et réchauffantes, // que le Bien-Aimé reconnaîtra et accueillera portes grandes ouvertes au jour de la Rencontre.

Frère Gabriel, moine de Cîteaux


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