Homélie pour la nuit de Noël

Chers frères et sœurs, chers amis,

Qu’est-ce qui nous a poussés à nous retrouver à une heure pareille dans une église, en l’occurrence l’église de Cîteaux ? Mais ce pourrait être une autre église, car nous savons que beaucoup de gens, la nuit de Noël, font comme nous : ils vont à l’église, et ils se retrouvent côte à côte avec d’autres qu’ils connaissent ou qu’ils ne connaissent pas…peu importe. Ils vont à l’église parce que c’est Noël.

Noël, qu’est-ce que ça évoque pour nous ? Probablement des choses assez diverses : un souvenir heureux de mon enfance, la crèche, le sapin décoré d’étoiles, dans les rues des guirlandes de lumière, un bonhomme habillé de rouge avec des cheveux blancs et une grande barbe blanche qui tire de son sac des cadeaux de rêve, des chants qui font vibrer le cœur, des histoires incroyables qui nous font voir les personnes et les choses sous un autre jour, dans une autre lumière…Mais peut-être aussi des souvenirs moins doux : un Noël dans les larmes, un Noël dans la solitude, un Noël en prison, un Noël dans le froid et la faim, un Noël en temps de guerre, et nous savons bien que cela existe aujourd’hui, hélas !

En tout cas pour nous, Noël ça a quelque chose à voir avec l’église et ce qu’on y fait en ce moment. On y fait ce que Jésus, un certain soir qui était la veille du vendredi où il allait mourir, nous a demandé de faire : il a pris du pain, il l’a rompu, et il l’a donné à ses disciples en disant : prenez et mangez-en tous, ceci est mon corps livré pour vous. Il a fait de même avec une coupe remplie de vin, en disant : prenez et buvez-en tous, ceci est la coupe de mon sang qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Faites ceci en mémoire de moi. Dans nos églises, on ne fait rien de plus important que cela. Il faut même dire que rien de plus important que cela ne se fait dans le monde, et il n’y aura jamais rien de plus important que cela qu’on appelle la messe, l’eucharistie, le repas du Seigneur…surtout quand on sait de quel Seigneur il s’agit !

Car des seigneurs, il y en a beaucoup sur la terre, mais Lui, il est le Seigneur des seigneurs. Des rois, il y en a beaucoup sur la terre, et surtout beaucoup qui jouent au petit roi ou qui voudraient le devenir, mais Lui, il est le Roi des rois. Et puis, tous les seigneurs et tous les rois de la terre, si respectables soient-ils, ne sont jamais que des hommes comme nous, sujets à l’erreur, pauvres mortels. Leurs trônes et leurs dynasties ne tiennent souvent qu’à un fil, tandis que le Seigneur Jésus règne éternellement. Sur lui, la mort n’a plus aucun pouvoir. Dans sa résurrection, il l’a mise à mort, parce qu’il n’est pas seulement homme, mais Dieu. Vraiment homme et vraiment Dieu. Et par-dessus le marché, l’unique et le seul vrai Dieu. Les chrétiens sont de sa lignée, ils sont sa descendance, de sang royal. Tous frères, égaux en dignité, partageant l’immense joie d’être enfants de Dieu, et de pouvoir dire d’un seul cœur et d’une seule âme la prière du Roi des rois et du Seigneur des seigneurs : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne…

Je ne sais si vous tous qui êtes présents dans notre église en cette nuit de Noël, vous êtes chrétiens. De toute manière vous êtes les bienvenus dans notre assemblée chrétienne qui célèbre la nuit très sainte où Marie, dans la gloire de sa virginité, a enfanté Jésus, le Sauveur du monde. L’évangile que nous avons entendu tout à l’heure nous montre bien que la naissance de Jésus, le Roi des rois a lieu dans des circonstances tout autres que celles des rois de ce monde. Faute de place, sa mère le couche dans une mangeoire. Les premiers avertis de l’événement ne sont pas les notables du pays, mais le personnel le moins considéré de l’époque : des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. Chose étonnante, par contre, c’est un ange qui les informe de la grande nouvelle. Et chose plus étonnante encore, c’est qu’ils l’accueillent avec crainte mais sans la moindre trace de scepticisme. Ils y croient. Ils font confiance. Cela retient notre attention parce que la confiance aujourd’hui est en pleine crise, une crise bien plus importante que celle de l’euro.

Il est là le drame de notre histoire ! On ne peut construire des relations humaines solides et durables que sur du « croire », sur de la confiance réciproque. Mais aujourd’hui, où est-elle la confiance ? Noël est une fête de famille, mais la famille est en crise…le mariage est en crise : puis-je faire confiance à celui-ci ou à celle-là pour m’engager définitivement avec lui ou avec elle ? Les enfants se disent : papa et maman, vont-ils toujours rester avec nous ? Les personnes âgées aussi sont inquiètent et s’interrogent : serai-je digne de continuer à vivre ? La crise de la confiance est un peu partout. On se méfie de son médecin, de son curé, de son député, de son garagiste, de son voisin, de son patron, de son ouvrier…

Le Dieu que nous adorons en cette nuit de Noël, nous fait sortir de cette crise. Il brise tous les jougs de la défiance et les drames qu’elle entraîne : peur, violence, haine, guerre, mort…Dans l’eucharistie que nous célébrons, Marie remet entre nos mains son petit enfant, le Roi de la confiance. Quel immense amour de sa part ! C’est le plus beau cadeau de Noël que nous pouvons recevoir. Si nous l’accueillons avec foi, nous partagerons le pouvoir du Roi des rois, celui d’aimer comme lui dans la pleine lumière de sa grâce et de sa vérité.

Frère Olivier, abbé de Cîteaux


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